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Les Média

Hélène Esquier, " A la recherche de l'étoile perdue " (L'Homme Nouveau, Paris, France, 16 janvier 2000) p.18

A la recherche de l'étoile perdue

à l'aube de l'an 2000, Guy Levrier, peintre figuratif à l'origine, fait coïncider monde virtuel et réalisme. Comment ? Via Internet. il s'exprime désormais par l'abstrait pour mieux dire le réel dans les galeries qu'il ouvre sur Internet.

On s'estréveillé au lendemain du " grand passage " à l'an 2000 en se demandant si le monde avait littéralement changé d'un coup de baguette magique. Serions-nous devenus prodigieux ? Le monde serait-il transformé en " jardin extraordinaire " ? La science et l'art auraient-ils fusionné dans un bouillon de créations géniales ?

Las ... en osantlever les yeux vers le miroir matinal du 1er janvier 2000, nous étions bien lesmêmes, peut-être même un peu plus ternes de la fatigue de la courte nuit ou des graves soucis de la tempête passée, de la nature souillée, des forêts éclatées, des toitures ruinées, des vies prises ou blessées...

Les artistes avaient tenté quelques heures de faire oublier les affres du temps. La féerie des feux d'artifice éclatait mais le coeur n'y était pas tout à fait et les roues des Champs-Elysées tournoyaient dans la foule, froides et métalliques malgré les efforts louables des acrobates.

Il semblait que le vingtième siècle avait perdu une étoile. Le " progrès " aurait-il détruit l'étoile de la beauté ?

Alors, pour enavoir le cœur net, il restait à prendre les chemins les plus rapides et les plus " in " de la technologie. Internet, je veux dire. Et découvrir la démarche de Guy Levrier jusqu'à la quatorzième galerie qui vient de s'ouvrir.

Ce peintre, que nous avons déjà présenté dans ces colonnes, ne cesse de nous étonner de saquête. Guy Levrier est un pionnier. Non seulement sa démarche picturale est très originale, puisqu'il revendique un art totalement gratuit qui l'aforcé à rompre avec une très grande carrière de brillant peintre de galerie, mais encore il ose créer un art qui donne vie à un outil aussi techique qu'Internet, comme des vitraux habitent de lumière et de transcendance les murs des cathédrales. Merveille de la technique, surabondance de l'art.

De plus, très épris de science en même temps qu'artiste à part entière, il a découvert, grâce à la physique quantique, que la beauté est la fin en soi de l'activité de l'artiste en même temps qu'elle constitue un critère de choix, " l'axe de symétrie entre art et science " pour les savants. Ce n'est plus la matière mais la conscience qui est la base de tout être. Car lorsque nous contemplons le réel, nous retenons sa beauté plus que sa matière. Nous avons donc "plus de certitudes vis-à-vis du beau que nous en avons vis-à-vis du réel ". Et le plus étonnant c'est que ses recherches humbles mais absolues rejoignent celles des savants, sans même l'avoir prémédité.

On peut penser alors que la peinture de Guy Levrier est une peinture tellement érudite et philosophique que cela ne va guère plus loin que les " installations " des artistes minimalistes ou conceptuels.

Regardez. Contemplez. Ce que peint Guy Levrier, c'est justement la beauté du réel, on pourrait presque dire la beauté des beautés particulières, sous d'infinies facettes. Figuratif jusqu'au bout de ses dons tel qu'on peut l'admirer dans une de ses galeries sur Internet, Guy Levrier a compris, s'il voulait garder la vérité de son art, qu'il fallait sauter le pas de l'abstraction, comme Sait Pierre marchait sur les eaux en regardant uniquement les yeux du Christ. Alors les fûts des bouleaux, les azurs de l'hiver, les lumières automnales se dépouillent de leurs différences pour devenir " essence " de leur propre beauté. Alors la couleur s'étoffe, s'approfondit et s'enrichit d'un cœur de chair, battant. Toujours ascendantes les taches de couleurs chaudes, relevées de notes bleues précieuses comme des joyaux, se tendent de toute leur puissance vers le ciel avec une aspiration et une harmonie offertes. Le fond clair, souvent immaculé, les révèle autant qu'il les épure.

On peut voir des voltiges aériennes, des oiseaux des bois, des personnages envolés, des croix de douleur et de résurrection. On peut ne rien voir du tout.

Mais de la braise et du silence des tons et des rythmes naît l'étoile de la beauté que le pilote solitaire a perçue dans le ciel.


Patrick Le Fur, " Guy, peintre internaute, pratique le "bénévol'art" " dans Climats (Bordeaux, France, juin 1997) p.10–13.

Guy, the internaut painter, and "art for free"

Guy Levrier, ancien consultant en aéronautique, s'est lancé dans la peinture à 45 ans. Plutôt que de vendre ses œuvres, il les offre à voir. Le réseau Internet est sa galerie d'exposition, pour toucher le plus large public possible. Portrait d'un artiste généreux.

Elégant, pétillant, dynamique et cultivé, ce presque septuagénaire est au meilleur de sa forme. La recherche, l'art, la science et la spiritualité sont ses raisons de vivre. La pratique quotidienne du cross l'aide à conserver son tonus. Guy Levrier, qui nous reçoit chez lui en vallée de Chevreuse, affirme d'emblée : " ce que je vis en ce moment, ce n'est pas le troisième âge, c'est une troisième carrière. " Imaginez donc ! Voilà un monsieur qui, alors qu'il exerçait les fonctions de consultant en aéronautique, décide de mener une carrière de peintre. Puis, afin de présenter ses œuvres sur Internet, il apprend l'informatique " sur le tas ". Sa galerie est virtuelle, ses œuvres interactives et sa démarche, tout à fait originale, est fondée sur la gratuité. Il expose partout et pour tous sur le réseau oùil a créé ses propres sites. Mais tout ceci est une longue histoire, riche d'enseignement, qui mérite d'être racontée.

" Si tu veux peindre, peins ! "

Nous sommes en 1951. Avec le diplôme de l'ESSEC en poche, Guy Levrier, âgé de 23 ans, devient pilote de chasse. Jusqu'en 1956 sa carrière s'envole d'aventures en exploits. Mais un accident pendant des manœuvres brise un avenir prometteur dans l'armée de l'air. L'aviateur reste au sol; il devientconsultant en aéronautique et espace auprès des grands constructeurs aérospatiaux français et étrangers.

Parallèlement, il cultive les plaisirs de la vie. Il aime la musique - qu'il pratique - et la peinture, en particulier celle que collectionnait son grand-père, admirateur de l'école de Barbizon. Lorsqu'un jour, une conversation sur l'art, avec un collègue, vient bouleverser sa vie. A Guy, qui regrette de ne pas savoir peindre, cet ami lance un défi : " Tu veux peindre ? Alors, peins ! "; car, selon lui, pour se lancer dans une création artistique, la passion est un moteur suffisant. Le lendemain, Guy Levrier achète un toile, des pinceaux et des tubes de peinture ; il place une fleur dans un vase, s'installe en face et la prend pour modèle. Nous sommes en 1972, Guy Levrier a 45 ans, une grande aventure commence.

" Je ne veux pas devenir une photocopieuse ! "

Pendant une dizaine d'années, Guy s'adonne à la peinture pendant ses loisirs. Il s'essaye au portrait, mais trouve sa vraie voie dans les paysages. C'est la nature qui l'intéresse, il peint sur le motif, dans la forêt proche de sa maison. Ses huiles, le plus souvent travaillées au couteau, le classent dans l'école post-impressionniste. Les toiles s'accumulent et ses participations aux salons à jury aussi. Guy Levrier mène donc de front deux carrières : celle duspécialiste en aéronautique et celle du peintre amateur, devenu presque professionnel. Tandis que la plupart des artistes cherchent par tous les moyensà commercialiser leurs œuvres, Guy, pour sa part, n'aime pas vendre ses toiles : il sent une contradiction entre l'argent et l'idée qu'il se fait de l'art. S'il refuse d'exposer en galerie, il veut pourtant trouver son public. Il accepte parfois de vendre quelques toiles, uniquement aux amis qui insistent pour les acquérir.

Après sa participation au Salon des artistes français, au Grand Palais, un galeriste réputé remarque son travail. Séduit, il lui propose un contrat. Mais cette proposition est loin de plaire à Guy, qui craint d'être obligé de fournir un certain type de toiles pour répondre à la demande d'une clientèle voulant " du Levrier ". Tomber dans le style Levrier n'est pas son style ... " Si j'avais travaillé pour ce galeriste, je serais devenu une photocopieuse ! " Après cet épisode, Guy se remet en question. " Pour éviter la routine - toujours les mêmes paysages - j'ai décidéé de faire " n'importe quoi ", c'est-à-dire de jeter spontanément de la couleur sur la toile, sans souci de représentation immédiatement perceptible. "

De l'abstraction à la communication

Il passe tout à coup du post-impressionnisme à l'abstraction, guidé à la fois par unequête esthétique et le désir de traduire une émotion. Décrivant cette étape de sa carrière, Guy Levrier rend hommage à ses maîtres : Nicolas de Staël, Hans Hartung, Jackson Pollock, Franz Kline ou encore Maria Elena Vieira Da Silva, grands peintres abstraits contemporains.

Dans les salons où j'exposais, raconte-t-il, je me plaçais à côté des gens qui regardaient mes toiles, pour entendre leurs commentaires. Mais il n'y avait pas de réelle communication. Ils voyaient trop d'œuvres accumulées en un même endroit... ". Guy Levrier cherchait une autre façon de travailler et d'exposer ses tableaux. C'est là que sa démarche de peintre croise les chemins des nouvelles technologies. En 1994, sa fille lui donne de la documentation sur Internet. Très vite, il trouve sur le " Web " un musée virtuel, à partir de l'Université de Caroline du nord, et constate qu'ainsi des artistes du monde entier peuvent assurer la diffusion de leurs œuvres.

Internet s'impose comme la solution la plus universelle et la moins onéreuse pour " offrir de la beauté, donner du sens à voir ".

De la technique artistique à la technologie

Pour diffuser ses toiles sur le réseau Internet, Guy Levrier dédouble son travail d'artiste. " Je réalise deux œuvres à chaque fois : une sur chevalet, puis une sur écran ! " Revêtu de son bleu de travail, face à la toile blanche tendue comme un drapeau, pinceau ou couteau en main, dans un geste plein d'énergie contenue, Guy Levrier applique ses couleurs brossées en flèches, en colonnes, en strates, peint l'indicible. Ensuite, commence une autre création pour transformer cette œuvre matérielle en œuvre virtuelle. Guy Levrier la fait photographier, numériser et graver sur un CD-ROM. Après l'art plastique, l'art du scanner !

Lorsque la représentation de sa toile apparaît sur l'écran de son ordinateur, le peintre doit encore la modifier, en utilisant des logiciels de traitement d'image (ceux qu'utilisent, par exemple, les publicitaires). Il peut changer les formes, les couleurs et ajouter du texte.

L'œuvre est sur le réseau

Une fois ce travail réalisé, l'œuvre peut être lancée sur le réseau Internet, vue par qui le souhaite et modifiée par qui le veut, avec les mêmes outils de traitement d'image. Ainsi s'instaure le dialogue, selon les principes d'interactivitéet de convivialité du réseau. Guy Levrier a créé ses propres sites Internet destinés aux " regardeurs " (c'est le mot qu'il emploie) du monde entier. Ses premières toiles ont été exposées de cette façon le 4 septembre 1995. Cette année, 140 sont proposées aux amateurs. Amateurs d'art, certes, mais aussi de science et de spiritualité. Car Guy, passionné de sciences, s'intéresse depuis longtemps aux rapports entre ces trois disciplines et il a été invité à créer un site Internet consacré à cette réflexion au sein du site de la " MIT Press " (" Massachussetts Institute of Technology Press "). Sur ce thème " Art, science et spiritulaité ", il est en relation avec plusieurs universités américaines et anglo-saxonnes.

Pavel Ivanov, savant atomiste russe, a connu Guy de cette façon, en visionnant ses œuvres, puis en intervenant directement sur l'image et le texte. Depuis plus d'un an, sans s'être jamais rencontrés, le scientifique et le peintre échangent une correspondance électronique passionnée et foisonnante.

Sur le plan informatique, Guy a dû s'initier à la programmation, mais pour la maintenance, il fait appel à un professionnel. A l'étage de sa villa, dans la pièce qui jouxte son atelier-bibliothèque-salle de musique, s'alignent sagement ordinateur, modem, enceintes, imprimante... Face au piano classique, dont il trouve le temps de jouer admirablement.

Un professionnel bénévole

Généreux mais vigilant (ses œuvres non signées, mais protégées par un copyright,sont " données mais pas à récupérer "), Guy Levrier peut déclarer en toute humilité : " Je suis un peintre professionnel mais bénévole ! " Dans sa conception novatrice de la création artistique, dans l'échange de la beauté et de l'idée, cet artiste d'aujourd'hui fait déjà partie des hommes de demain.

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